29 janvier 2018 Catherine Gambette

Depuis le 1er janvier 2017, les époux peuvent divorcer par consentement mutuel sans passer devant un juge.

Une procédure de divorce par consentement mutuel suppose que les époux sont d’accord non seulement sur le principe même du divorce mais également sur l’ensemble de ses conséquences (d’ordre personnelles et patrimoniales, les concernant et concernant les enfants).

Désormais, hormis les hypothèses dans lesquelles un des enfants du couple souhaite être entendu par un juge ou un des époux est placé sous un régime de protection, hypothèses pour lesquelles la procédure sans juge n’est pas légalement possible, les époux, accompagnés de leur propre avocat élaborent et signent une convention de divorce qui est ensuite adressée à un notaire pour enregistrement afin de donner date certaine au divorce.

Il s’agit d’un divorce déjudiciarisé et certainement plus rapide pour les futurs ex-époux.

Dans cet article, nous ne commenterons pas l’ensemble des avantages et inconvénients de cette nouvelle procédure. Nous nous attacherons toutefois à démontrer les raisons pour lesquelles celle-ci n’est pas nécessairement adaptée aux expatriés.

Deux raisons principales militent contre l’utilisation de cette procédure pour un couple dont les deux époux ou un d’entre eux réside à l’étranger (ou souhaite s’y installer après le divorce).

La première raison, qui peut sembler formelle et anecdotique tient à l’obligation qui est faite aux avocats d’adresser, avant signature de la convention de divorce, le projet définitif de cette convention à son client par lettre recommandée avec accusé de réception. La loi impose en effet un délai impératif de 15 jours minimum entre la réception de la lettre recommandée adressée par l’avocat et la date de signature de la convention.

Or, il est de nombreux pays dans lesquels le principe même de l’accusé de réception n’existe pas.

Cette difficulté technique pourrait toutefois être contournée par l’utilisation, sous conditions, de la lettre recommandée électronique.

La deuxième raison, plus substantielle, tient à la (non) reconnaissance de cette convention de divorce par acte d’avocat par les autres Etats.

 

Difficulté de reconnaissance du principe même du divorce

Hors Union européenne, les époux risquent de se confronter à l’impossibilité de transcrire ce divorce sur leurs actes d’état civil ou d’en obtenir l’exéquatur. Il est en effet fréquemment fait référence dans les conventions bilatérales ou dans les législations nationales traitant des questions de reconnaissance du divorce prononcé dans un autre Etat, à une décision de justice. C’est le cas et pour ne citer que cet exemple, de la Côte d’Ivoire qui exige que le divorce soit prononcé par une juridiction pour être transcrit sur l’acte de naissance. Le divorce par acte d’avocat, fut-il enregistré par le notaire ne peut être assimilé à une décision de justice et ne pourra pas être reconnu à l’étranger. Il sera donc inefficace.

Au sein de l’Union européenne, par un arrêt récent du 20 décembre 2017 la Cour de Justice de l’Union Européenne (arrêt C-372/16 Soha Sahyouni c/ Raja Mamisch) s’est prononcée, indirectement, de manière négative sur la reconnaissance du divorce par acte d’avocat en considérant que le règlement UE 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en oeuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps visait « exclusivement les divorces prononcés soit par une juridiction étatique soit par une autorité publique ou sous son contrôle« .

Le divorce par consentement mutuel français, par acte d’avocat n’est pas, par définition, prononcé par une juridiction étatique ni, sous réserve de précision jurisprudentielle à venir, « par une autorité publique ou sous son contrôle« . Il nous parait en effet difficile de considérer que l’enregistrement de la convention au rang des minutes du notaire implique que la convention ait été conclue sous le contrôle de ce dernier.

Dès lors, la reconnaissance du principe même du divorce dans les autres Etats de l’Union européenne sera soumise à l’appréciation de chaque Etat membre, en fonction sa propre législation et de son droit international privé.

 

Difficulté de reconnaissance des mesures relatives aux obligations alimentaires

Par ailleurs, outre le principe même du divorce, certaines des mesures contenues dans la convention de divorce ne pourront pas être exécutées dans un autre pays européen.

Il s’agit des mesures relatives aux obligations alimentaires.

Dans ce cas de figure, l’hypothèse de départ est la suivante: les époux ont prévu, dans leur convention de divorce par acte d’avocat le versement par un des ex-époux d’une pension alimentaire pour les enfants (contribution à l’entretien et l’éducation des enfants) ou d’une prestation compensatoire à son ex conjoint.

En cas de défaillance de l’époux débiteur et si celui-ci réside hors de France, dans un autre Etat de l’Union européenne, le créancier, qu’il réside en France ou ailleurs, ne pourra valablement faire exécuter la convention de divorce dans un autre pays européen, s’agissant de ces obligations alimentaires.

Le règlement CE n°4/2009 du Conseil du 18 décembre 2009 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires prévoit en effet la reconnaissance des seules décisions judiciaires (et non des actes d’avocat).

Il s’agit à l’évidence là d’un oubli du législateur français lequel n’a pas pris en compte cette éventualité, qui est loin d’être théorique.

 

Pour conclure, en présence d’un élément d’extranéité, il ne saurait être trop conseillé de procéder à la vérification de la reconnaissance du divorce dans l’autre pays concerné et en cas de réponse négative, d’envisager d’autres procédures telles un divorce judiciaire (divorce accepté) ou une convention sur l’autorité parentale homologuée…

Si ces types de procédures – judiciaires – peuvent prendre plus de temps, elles emportent néanmoins une sécurité juridique indispensable quant à leur reconnaissance hors de nos frontières, que ce soit sur le principe même du divorce ou sur les obligations qu’il contient.

Il sera en outre remarqué que les époux, qui auraient pu penser s’éviter un déplacement en France en recourant au divorce par consentement mutuel par acte d’avocat (lequel déplacement étant obligatoire en cas de procédure judiciaire puisque la première étape procédurale de tout divorce judiciaire – la tentative de conciliation – requiert la présence physique des deux époux) auraient néanmoins du se déplacer pour conclure la convention de divorce par acte d’avocat dès lors que la signature de la convention ne peut se faire à distance ou par voie dématérialisée et suppose la présence physique des deux parties et de leur avocat respectif.